A l’échéance du délai de transposition de la directive dite « services », le législateur tente de réagir in extremis par l’adoption d’une loi modifiant les critères de délivrance des permis socio-économiques.
Comme exposé dans notre lettre du mois d’octobre 2009, l’entrée en vigueur de  la directive « services » annonçait des turbulences dans la loi du 13 août 2004  relative à l’autorisation d’implantations commerciales, communément dénommée «  loi Ikea ».
 Jusqu’à présent les permis socio-économiques, instaurés par la  loi « Ikea » pour les surfaces commerciales de plus de 400 m2, étaient délivrés  sur la base des 4 critères suivants :
- la localisation spatiale de l'implantation commerciale ;
- les intérêts des consommateurs ;
- l'influence du projet sur l'emploi ;
- les répercussions du projet sur le commerce existant.
Le dernier de ces critères (les répercussions sur le commerce existant) étant  à première vue contraire aux principes de la directive (interdiction d’un test  économique à finalité économique), une incertitude – voire une inquiétude –  était née dans l’esprit de certains professionnels du secteur (voir lettre du  mois d’octobre 2009).
 Le délai de transposition de la directive « services »  est venu à échéance le 28 décembre 2009.
 Vu cette contrariété avec la  directive « services », le législateur fédéral se devait donc de réagir. Il l’a  fait in extremis par la promulgation de la loi du 22 décembre 2009 adaptant  certaines législations à la Directive 2006/123/CE du Parlement européen et du  Conseil relative aux services dans le marché intérieur (la modification relative  aux implantations commerciales n’était pas prévue dans le projet de loi du 23  octobre 2009, elle a été insérée par un amendement distribué le 3 décembre  2009).
 L’article 18 de ladite loi, qui est entré en vigueur le 28 décembre  2009, a modifié trois des quatre critères devant être pris en compte dans la  délivrance des permis socio-économiques.
 Désormais, les implantations  commerciales devront être autorisées sur la base des 4 critère suivants :
- la localisation spatiale de l'implantation commerciale ;
- la protection des consommateurs (et non plus les intérêts des consommateurs) ;
- le respect de la législation sociale et du travail (et non plus l'influence du projet sur l'emploi) ;
- la protection de l’environnement urbain (et non plus les répercussions du projet sur le commerce existant).
Ces critères ont été précisés par un arrêté royal du 13 janvier 2010, entré  en vigueur de manière rétroactive le 28 décembre 2009 (M.B.,  22-01-2010).
 Malgré les précisions apportées, la différence entre les  critères requis en 2004 et ceux entrés en vigueur en 2009 ne saute pas aux  yeux.
 En effet, alors que le premier critère reste identique, les  formulations des deuxième et troisième critères diffèrent peu. Comme le précise  l’arrêté royal du 13 janvier 2010, ils visent uniquement à obtenir l’engagement  du demandeur de permis à respecter les législations relatives à la protection du  consommateur, aux lois sociales et à celles du travail. La pertinence de tels  critères paraît toute relative dès lors qu’il va de soi que l’exploitant d’une  implantation commerciale doit respecter les législations précitées.
 La  modification principale réside donc dans la substitution du quatrième critère  relatif aux « répercussions du projet sur le commerce existant » par une analyse  sur « la protection de l’environnement urbain ».
 A priori, on pourrait  s’interroger sur la différence avec la localisation spatiale. Cette confusion  est entretenue par l’arrêté royal du 13 janvier 2010, qui précise que les  critères devant être pris en compte pour :
- « la localisation spatiale » sont, d’une part, l'insertion de l'implantation commerciale dans les projets locaux de développement ou dans le cadre du modèle urbain, et d’autre part, l'accessibilité de la nouvelle implantation par les transports en commun et par les moyens de transport individuels ;
- « la protection de l’environnement urbain » sont, d’une part, l'incidence de l'implantation en matière de mobilité durable, notamment l'utilisation de l'espace et de la sécurité routière, et d’autre part, l'incidence de l'implantation commerciale sur le noyau urbain dans le cadre des exigences planologiques.
La formulation floue de ce quatrième critère trouve écho dans le considérant  66 de la directive « services », en vertu duquel « l’ interdiction des tests  économiques comme condition préalable à l’octroi d’une autorisation devrait  viser les tests économiques en tant que tels, et non les autres exigences  objectivement justifiées par des raisons impérieuses d’intérêt général telles  que la protection de l’environnement urbain, la politique sociale ou la santé  publique ».
 On rappellera à cet égard que la directive prohibe le test  économique au cas par cas dans l’objectif d’une programmation économique, mais  non le test économique dans l’objectif de programmations qui ne poursuivent pas  des objectifs de nature économique mais relèvent de raisons impérieuses  d’intérêt général. En tant que telle, « la protection de l’environnement urbain  » est donc susceptible de justifier l’application de régime d’autorisation et  d’autres restrictions à la liberté d’établissement.
 La question du contenu de  cette notion reste cependant posée dès lors que la directive n’apporte pas  davantage de définition. Tout au plus, est il précisé que cette notion comprend  l’aménagement du territoire.
 Ce constat n’est pas sans poser problème au  regard des règles de répartition de compétences entre l’Etat fédéral et les  régions, ces dernières étant compétentes en matière de protection de  l’environnement et de l’aménagement du territoire, sous réserve de certaines  exceptions.
 La loi fédérale s’en retrouve dès lors  quelque peu  fragilisée.
 En toute hypothèse, la réaction du législateur fédéral apparaît  comme une solution transitoire permettant de parer au plus pressé, dans  l’attente d’une régionalisation de la matière
